D'aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours utilisé mes mains, peut être plus que ma tête, pour essayer de comprendre les choses. Démonter, remonter, créer, innover... Comprendre les choses, c'était pour moi plus facile que de comprendre les gens. Mon père m'a raconté récemment que ma grand mère faisait déjà ça. Elle tentait de construire des luges en bois, ou de passer la télé en couleur à l'aide de filtres colorés. On dirait bien que l'expérimentation est une affaire de famille!

J'ai découvert la marqueterie en voulant rester dans l'artisanat. J'ai travaillé une dizaine d'années avec un couteau de chef à la main, puis je l'ai posé, un peu contrainte et lassée... Une fois la paille préparée, elle offre des reflets chatoyants  qui m'ont fascinée, presque émue. Le son qu'elle fait quand on la fend pour l'écraser. Son toucher soyeux... Traditionnellement, elle est plutôt utilisée sur des supports en bois, mais j'ai tout de suite voulu la faire sortir de son utilisation classique.
Au détour de mes essais, j'en suis venue à la reliure. Pour les mêmes raisons sensorielles, ça m'a tout de suite captivée. Je pourrais comparer le bruissement du papier au clapotis de l'eau, c'est apaisant.
De fil en aiguilles (c'est le cas de le dire ici), j'ai multiplié les tentatives et les échecs pour essayer d'associer les deux. La paille impose des contraintes de tensions que le carton ou le papier ne supporte pas très bien. Mais une fois la technique trouvée, cette rencontre est magique!

En quelques mois, mon lieu de vie est également devenu mon atelier; Colle, cisaille, massicot, presse, toiles de reliures, papiers, pailles... J'ai empli mon espace et mon coeur, et je ne me suis jamais arrêtée depuis.

Luzerne, c'est le fruit de mes recherches, de mon cheminement, de mon implication, et peut être un peu de mon héritage... avec au centre un noyau délicat qu'est l'amour du geste. J'espère que vous trouverez autant de ravissement que moi dans cette aventure inédite qu'est la "paillepeterie" !